dimanche 15 mai 2011

LA rencontre avec mon Maître — Rentrez chez vous !

"Rentrez chez vous !"

 Ce sont les premiers mots que j'ai entendus lorsque je suis allé voir mon maître à Tokyo...

 En 1986, alors que je venais juste de commencer ma mission de 2 ans d'enseignement de Karaté à Bordeaux, je vis, dans une revue d'arts martiaux chinois que je reçus de ma mère, un petit article avec photo d'un maître en train de faire une démonstration. Malgré son apparence plutôt fine pour ne pas dire chétif, il dégageait une puissance inexplicable d'un geste impeccable calculé au millimètre près. Pendant ces deux années, je n'avais que ce maître en tête... Une fois rentré au Japon, je me précipitai à son dojo pour m'initier au Xingyi Quan.

 Là, les choses ne se déroulèrent pas comme je les avais imaginées. Je passai à l'accueil et demandai à une secrétaire si je pouvais assister à un cours de Xingyi Quan. A travers le claustra qui protégeait la salle d'entraînement de la vue directe de l'extérieur, je vis le maître discuter avec un élève. Il me lança un regard froid lorsque sa secrétaire lui annonça la raison de ma visite. Je sentais que je n'étais pas le bienvenu...

 J'attendis un moment, puis la secrétaire revint me demander si je pratiquais quelque chose en arts martiaux. Je me dis que si je faisais étalage de mon parcours, il s'intéresserait davantage à un échange de vues avec moi. Alors, je dis à "la messagère", "Oui, je suis quatrième dan de karaté". Grosse erreur... ! Le maître ne voulut de moi.

 Vu que je n'avais jamais été traité ainsi auparavant, j'insistai auprès de la secrétaire pour obtenir un droit d'assister à un cours, puisque la première séance était, me semblait-il, gratuite. Après quelques minutes d'entretien avec ce dernier, elle revint de nouveau et me dit, "Mon maître me fait dire de rentrer chez vous et de continuer le karaté.", puis "si vous faites du karaté et les arts martiaux internes en même temps, ce sera un gâchis de temps et d'énergie autant pour vous que pour lui."

"Pourtant, il y en a beaucoup qui le font", dis-je. Je ne comprenais pas, à l'époque, pourquoi les arts martiaux externes et internes étaient incompatibles les uns avec les autres, alors que j'espérais pouvoir explorer le monde des internes tout en évoluant en karaté.

 D'un air confus, elle haussa les épaules et tenta de convaincre le maître de nouveau, mais à chaque fois qu'elle revenait, la réponse était négative.  (J'appris plus tard que j'étais le seul à avoir été refusé ainsi.)

 J'ignore combien de fois elle a fait la navette. Je ne voulais pas lâcher, en tout cas si facilement, surtout après avoir mis 2 ans avant de venir le voir. J'insistai tellement là-dessus que je parvins à obtenir une condition : "si vous êtes prêt à abandonner le karaté de suite, je vous accorde une chance."

 Je ne me rendais pas compte de ce que cela impliquerait, ni de l'importance de cette décision d'autant plus que j'étais déjà à fond dans le karaté. Dans le feu de l'action, "d'accord, j'arrête immédiatement et définitivement le karaté." — fut ma réponse.

 Sans avoir assisté au cours ni avoir vu comment enseignait le maître, ma décision à mon étonnement fut radicale et irrévocable. Mais déjà, j'avais, au fond de moi-même, une ultime conviction que c'était lui...

 Ce jour-là, je rangeai définitivement le kimono et un long périple d'apprentissage auprès de mon maître commença...

1 commentaire:

  1. Etre ce que l on est pour faire ce que l on désire au plus profond ! C est comme ça que je comprends la vie, en général. ☺

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